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dangereuse si elle n’était ridicule, mais dont l’audace d’une secte intrigante et la sotte crédulité du public ont fait la fortune.

Mes Annales, il est vrai, n’ont pas les mêmes titres. La décence y est respectée ; le culte, les gouvernements, y sont ménagés ; les leçons que l’auteur y donne aux hommes n’ont vraiment que le bien public pour objet, et déjà elles l’ont produit plus d’une fois.

Ce n’en est pas assez, sans doute, pour prétendre à la protection, aux encouragements, qu’obtient toujours le scandale dans ce siècle philosophique ; mais c’est autant qu’il en faut pour espérer la tolérance, dont il faut bien que les mœurs, et surtout la vérité, se contentent aujourd’hui.

Ce raisonnement paraissait conséquent ; il était fortifié par trois contrefaçons de mes Annales, autorisées, approuvées en Suisse : l’édition originale ne devait y trouver aucun obstacle. Il n’y avait pas de conclusion plus juste en apparence ; mais la logique en ce bas monde influe peu sur les événements. J’aurais dû m’en douter[1].

Que m’a servi de dire aux économistes, dans la courte durée de leur splendeur : Vous prêchez la liberté ; ne soyez donc pas despotes. Vous voulez que tout le monde parle ; ne me fermez donc pas la bouche.

Que m’est-il revenu de crier pendant trois ans aux habitants du Palais : Vous vous dites les interprètes des lois, les défenseurs des propriétés ; ne m’enlevez pas mon bien, mon état, mon honneur, sans m’entendre, ou du moins sans donner des motifs.

  1. Un autre jour, s’expliquant sur les retards qu’éprouvait la distribution de son journal, il disait : « Je ne puis répondre que par un mot bien court : ce que je puis, on peut être sûr que je le fais ; ce que je ne fais pas, c’est que je ne puis pas le faire. Les difficultés que j’éprouve sont inconcevables ; elles décourageraient peut-être, j’ose le dire, tout homme moins familiarisé que moi avec les obstacles… Cette raison doit suffire à ceux de mes souscripteurs qui m’estiment et qui m’aiment. Je ne dois pas supposer que j’en aie d’autres. C’est à ceux-là seuls que je dois et que je fais des excuses. Mais ce qu’il y a d’étrange, c’est que ce n’est pas d’eux que viennent les reproches les plus vifs. L’impatience la plus exigeante, ce sont les contrefacteurs et leurs complices qui la montrent ; à entendre leurs cris, on croirait que c’est moi qui les vole. Il y a maintenant, de ma connaissance, quatorze de ces éditions, je ne dis pas furtives, car elles sont publiquement soutenues et encouragées. C’est toujours la même bizarrerie dans tout ce qui me concerne : les copies criminelles se fabriquent au grand jour ; la clandestinité n’est que pour l’original honnête. »