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Au milieu des embarras d’une guerre naissante, Votre Majesté ne la perd pas de vue : elle fait dès à présent, dans une de ses provinces, un essai qui sera toujours honorable, quand même des obstacles imprévus le rendraient infructueux. Il prouvera toujours du moins que Votre Majesté ne se rebute point dans la carrière épineuse du bien, et qu’avec la pureté de cœur qui le fait désirer, elle a la constance, le courage, qui, tôt ou tard, le procurent.


Après cette curieuse épître vient un avertissement cinq ou six fois plus long encore ; nous nous bornerons à en citer le début :


En avril dernier, quand j’ai quitté Londres, j’ai dit que le premier numéro de la seconde année de cet ouvrage serait peu retardé par mon déplacement, voilà cependant un retard de quatre mois entiers. De tous ceux qu’il a impatientés, personne assurément n’en a plus souffert que moi, et personne aussi ne s’y attendait moins ; mais le proverbe dit qu’on s’expose à compter deux fois quand on compte sans son hôte. En prenant la Suisse pour retraite, je n’avais pas compté avec le mien ; il en a résulté dans mes calculs une cruelle méprise.

La bizarrerie de ma destinée n’a pas besoin de preuves ; cependant ce que j’ai éprouvé depuis que j’ai cessé d’écrire, c’est-à-dire depuis avril dernier, en fournirait une plus frappante encore que tout le passé.

En partant de Londres, je m’étais dit à moi-même : Tout s’imprime dans le continent de l’Europe aussi aisément qu’ici ; les presses sont aussi libres et souvent presque aussi licencieuses au pied des Alpes qu’aux bords de la Tamise. Depuis vingt ans celles de Genève ne cessent d’enfanter les ouvrages les plus révoltants, les plus faits pour alarmer la pudeur et les administrations. La Pucelle, l’Émile, le Système de la nature, etc., y ont été réimprimés cent fois. Actuellement on fabrique, on débite ouvertement, à Lausanne, une nouvelle édition de ce recueil aussi immense qu’incomplet, de cette compilation bigarrée qui serait infiniment