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Henri IV, réduit à conquérir son patrimoine, fut enlevé au moment où il cherchait, dans une administration paternelle, le remède aux maux de la France, épuisée presque également, et par les efforts qu’il avait faits pour vaincre les rebelles, et par sa condescendance à acheter leur soumission.

Louis XIV, fier, impétueux, prodigue, vérifia pendant quelque temps la devise, aussi imprudente qu’audacieuse, que la flatterie lui avait fabriquée : Nec pluribus impar ; mais la dernière moitié de son règne en fut une triste et longue réfutation.

Enfin, sous Louis XV, avec quelle promptitude n’avons-nous pas vu les lauriers de Fontenoi étouffés sous les cyprès de Crevelt, de Rosbak, etc. !

L’espace diversifié par tous ces règnes offre une terrible et humiliante uniformité : de courts succès et de longs désastres, toujours nécessités par des fautes ; de petits avantages et des pertes énormes. On y voit les trésors et le sang de la nation prodigués pour les disputes les plus frivoles ; des projets extravagants soutenus avec opiniâtreté, et des plans sages abandonnés avec encore plus d’inconséquence ; une politique souvent puérile, et presque toujours imprudente ; des ministres désunis, indiscrets, despotiques, vindicatifs, ne connaissant point d’ennemis plus redoutables que leurs concurrents, avides autant qu’ambitieux, se jouant avec une égale audace, et des rois qu’ils feignaient de servir, et des sujets dont ils sacrifiaient l’existence, et des États voisins dont ils ordonnaient le ravage, et de leur propre patrie, qu’ils n’exposaient que trop souvent à la désolation ; enfin cent Louvois, cent Bonnivets, pour un Sully.

Quelle différence aujourd’hui ! Ce n’est plus à nous, c’est à nos rivaux que ce portrait convient ; à ces rivaux enrichis de nos dépouilles, enorgueillis, pendant cinq cents ans, de nos écarts, et devenus grands par la fatalité qui nous empêchait de nous élever. Une politique profonde et sagement ménagée nous venge en un instant de cette longue période d’insolence. Privés par leurs propres méprises des forces dont ils abusaient, le rang usurpé dont ils tombent, la France s’y trouve replacée sans effort et sans inspirer d’alarmes. De vastes empires fondés tout d’un coup à