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consolation, j’aurai du moins celle d’appeler, en expirant, au jugement de la postérité ; elle dira, en baignant de larmes quelques-uns de mes écrits : Après son innocence, rien ne lui fut plus cher que son prince et sa patrie.

Je suis, etc.

À Londres, ce 24 mars 1777.


L’arrivée du premier numéro des Annales à Paris y causa une grande surprise : on ne s’imaginait pas que les ministres, que tout récemment encore Linguet avait fort maltraités dans sa lettre à M. de Vergennes, auraient pour lui une pareille complaisance. Ils auraient été déterminés, dit-on, par une considération qui avait déjà fait tolérer l’introduction de certaines feuilles hostiles au gouvernement : on s’était flatté que Linguet se croirait obligé par là à s’observer davantage. Cependant, comme on connaissait sa mauvaise tête et les écarts de son imagination, on ne voulut pas l’autoriser ouvertement ; il fut arrêté dans le conseil des ministres qu’il ne serait que toléré.

Linguet, en effet, n’était pas homme à se contraindre et à garder de longs ménagements : il avait trop de fiel sur le cœur. Loin de Paris, il crut pouvoir foudroyer impunément ceux qui avaient tenté de l’anéantir, et donner un libre cours à ses vengeances et à ses représailles. Dès son prospectus, il s’attaquait à la Gazette de France et au Mercure, concurrents privilégiés qui n’avaient cessé de le