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des particuliers sont quelquefois si cruellement compromises ; les autres nationaux et littéraires, où le mérite des gens de lettres est souvent si injustement apprécié. Dans les uns, l’auteur d’un bon ouvrage se trouve tout d’un coup livré au ridicule ; dans les autres, un citoyen paisible est sacrifié par un avis anonyme à la haine, à la vengeance d’un ennemi qu’il ne peut ni connaître, ni punir. Il n’est pas plus possible de les lire tous, qu’il ne serait prudent de toujours y croire.

L’auteur du journal que l’on présente aujourd’hui au public, appelé par son goût à l’étude de l’histoire, poussé par un instinct involontaire à ramasser des matériaux pour celle de ce siècle, avait toujours désiré qu’il se trouvât un homme assez laborieux pour rassembler sous un même point de vue tous les faits intéressants épars, perdus dans l’immensité des gazettes, en toute langue, en tout pays, et pour recueillir dans un ordre satisfaisant ceux qui peuvent entrer un jour dans cet important ouvrage.

D’un autre côté, témoin lui-même, et longtemps victime de la licence des journalistes ; étonné du despotisme qu’exercent si hardiment et avec tant d’impunité, dans une république libre, ces magistrats sans mission ; affligé de voir ce ton dur et tranchant se naturaliser dans un genre de productions qui ne peut devenir utile que par l’honnêteté la plus circonspecte, il ne concevait pas qu’aucun écrivain n’entreprît de le rappeler à sa première institution ; que dans une carrière où les Bayle, les Leclerc, les Basnage, ont marché avec tant de succès, on eût oublié leurs maximes au point de suivre une allure directement opposée[1].

C’est dans ces circonstances qu’on l’a pressé de concourir à la composition d’un journal de politique et de littérature.

Il a d’abord hésité : il a craint que ses travaux habituels ne souffrissent d’un travail étranger. Il a craint bien davantage que, par une fatalité dont il n’a déjà que trop éprouvé les effets, ses bonnes intentions ne lui attirassent encore des désagréments ; que

  1. Résumant ailleurs cet acte d’accusation contre les journalistes, il les définit : « des cirons périodiques qui grattent l’épiderme des bons ouvrages pour y faire naître des ampoules. »