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« M. Linguet s’était fait une infinité d’ennemis, et qu’il avait même au sein de l’Académie française un parti furieux contre lui. » Linguet bondit en apprenant cette réponse. Désavouant son frère, il adressa à d’Alembert une lettre où son dépit s’exhale en sarcasmes mordants :


Si des hommes qui réclament à grands cris la tolérance en faveur de leurs apophthegmes éclatent avec fureur au moment où l’on ose faire mine de les discuter ; s’ils regardent comme un ennemi dangereux, s’ils tâchent de livrer à une excommunication flétrissante l’homme qui vit seul, qui met au jour ce qu’il croit vrai, sans intérêt, sans politique d’aucune espèce, et qui n’a d’autre crime que de ne vouloir entrer pour rien dans leurs conventicules fanatiques, ma foi, Monsieur, tant pis pour eux, je vous le déclare nettement. Et si c’est moi qui suis l’objet de ces cabales déshonorantes pour leurs auteurs, loin d’en être affligé, j’en ferai gloire ; loin d’abandonner la conduite et les principes qui m’y ont exposé, je m’y attacherai plus que jamais…

Je n’ai jamais manqué à aucun des auteurs vivants, et j’ai bien mérité de plusieurs : quelles raisons auraient-ils donc de me haïr ? Seraient-ce mes opinions ? Mais, outre qu’elles ne sont pas aussi révoltantes qu’on affiche de le dire, il serait bien étonnant que je n’eusse pas la liberté d’extravaguer à ma mode, lorsque toute la philosophaille du siècle s’abandonne sans danger au délire le plus absurde. Il est vrai que je n’ai point donné à mes nouveautés le vernis encyclopédique, le passe-port de toutes les ferrailles reblanchies avec lesquelles tant de crieurs de vieux chapeaux philosophiques nous étourdissent…

À l’égard de l’Académie, je n’ignore pas que vous et M. Duclos disposez en despotes des places de ce sénat littéraire, je sais à merveille que vous êtes les saints Pierre de ce petit paradis : vous n’en ouvrez la porte qu’à ceux qui sont marqués du signe de la bête. Je n’en suis ni fâché ni jaloux. J’ignore si l’envie me