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pas nommé lui-même, bien sûr qu’il était d’être au nombre de ceux que proposerait la favorite. Mais, par une étourderie dont elle rit beaucoup elle-même, elle oublia son protégé. Heureusement que l’oubli était facilement réparable. Marmontel fut porté pour 1,200 livres sur la liste des pensionnaires du Mercure.

Quant au privilége de cet heureux journal, il fut donné à Boissy, sur les recommandations mêmes de Marmontel. Mais le nouveau rédacteur n’avait, pour soutenir le Mercure, ni les relations, ni les ressources, ni l’activité de l’abbé Raynal, qui l’avait fait, et très-bien fait, en l’absence de La Bruère. Dénué de secours, ne trouvant rien de passable dans les papiers qu’on lui laissait, il écrivit à Marmontel une lettre qui était un vrai signal de détresse. « Inutilement, lui disait-il, vous m’avez fait donner le Mercure ; ce bienfait est perdu si vous n’y ajoutez pas celui de venir à mon aide. Prose ou vers, ce qu’il vous plaira, tout me sera bon de votre main. Mais hâtez-vous de me tirer de la peine où je suis, je vous en conjure au nom de l’amitié que je vous ai vouée pour tout le reste de ma vie. »

« Cette lettre, dit Marmontel, m’ôta le sommeil. Je vis ce malheureux livré au ridicule, et le Mercure décrié dans ses mains, s’il laissait voir sa pénurie. J’en eus la fièvre toute la nuit, et ce fut dans cet état de crise et d’agitation que me vint la première