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teurs en ami sincère et poli. Nos amis et nos ennemis nous éclairent sur nos défauts. Qu’est-ce qui les distingue ? Les ménagements et l’aigreur. Les uns et les autres humilient l’amour-propre ; mais ceux-là le consolent et ceux-ci le révoltent. On croit que la critique est insipide si elle n’est assaisonnée d’une piquante raillerie, et que ce n’est que par là qu’elle peut réussir dans le public. De quel public parle-t-on ? Est-ce pour lui qu’on doit écrire ? Il en est un plus respectable, et c’est à ce dernier que l’auteur de ces observations cherche à plaire ; il se consolera de n’être lu que du petit nombre, si, pour être lu de la multitude, il faut s’écarter des bornes de la probité. Un auteur se consume pour obtenir nos suffrages : s’il n’y parvient pas, il est assez puni. Qu’on le corrige, s’il est possible ; mais qu’on ne lui insulte pas. Bayle devrait être le modèle des critiques. Peu d’écrivains peuvent approcher du goût, de l’érudition et de l’agrément qu’on admire dans sa République des Lettres. Mais il est sans partialité et sans aigreur ; c’est en cela qu’il n’est point inimitable, et que j’espère de l’imiter. Voilà le seul engagement que je prends avec le public, et, sans vouloir en imposer par de magnifiques promesses, je me propose en général de rendre compte des livres qui seront à ma portée.


Tout le reste était à l’avenant. C’était honnête, mais cela manquait essentiellement de nerf. Après quelques numéros, les amis durent reconnaître qu’ils s’étaient fourvoyés. « Cette affaire, dit Marmontel lui-même dans ses Mémoires, ne fut pas aussi bonne que Beauvin l’avait espéré. Nous n’avions ni fiel ni venin, et notre feuille n’étant ni la critique infidèle et injuste des bons ouvrages, ni la satire amère et mordante des bons auteurs, elle eut peu de débit. »

L’Observateur littéraire a été inséré dans l’édition des œuvres de Marmontel donnée en 1819-20 par