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avant, étend les bras. Cela veut dire qu’il va parler ; alors tous les abonnés font : Chut ! chut ! chut ! On se tait, et il dit :

Messieurs,

Rien au monde n’est plus encourageant pour moi que l’accueil dont vous avez jusqu’ici honoré mes accès de gaieté. Je n’ai jamais prétendu jouer dans la république des lettres un rôle intéressant ; mon but n’était que de vous égayer. Je connais mes forces ; je m’en défie avec toute la franchise de mon caractère, et si j’ai réussi à vous faire rire, si j’ai pu quelquefois vous faire passer un moment agréable, je suis, en vérité, très-noblement payé de mes peines.

Messieurs,

Je n’ignore pas qu’il y a parmi vous de faux frères qui me complimentent en face et me ridiculisent quand j’ai tourné le dos ; mais je me console bien aisément de cette disgrâce. C’est le sort des écrivains de tous les mérites et de tous les genres ; c’est celui des grands, c’est celui des riches, c’est celui des gens en place, etc… Il est inévitable, et je vois tant d’hommes estimables associés à mon infortune, qu’en honneur je me félicite d’être en si bonne compagnie.

Messieurs,

Vous me bouderez peut-être un peu, quand vous verrez que cette Lune-ci ne contient presque que de la prose…

Messieurs,

La lune n’a point pour coutume de me révéler ses desseins, et toujours ce qu’elle me garde pour le prochain numéro manet alta mente repostum. Cette planète juge à propos, apparemment pour vous dédommager de la mauvaise humeur que doit vous causer ma surabondance de prose dans celui-ci, de m’ouvrir aujourd’hui le grand registre de ses opérations pour m’y faire lire le plan et les différents sujets qui doivent compléter la Lune suivante (Lune de janvier, huitième numéro). Faveur signalée ! faveur inouïe ! dont vous voyez le premier et le dernier exemple.