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aux projets les plus vastes », forma celui de rétablir cette feuille légère, avec le concours de la baronne de Prinzen, depuis madame de Montenclos, à qui le privilége en fut accordé, et qui le dédia à la Dauphine. Cette baronne, fort entichée de la manie de faire des vers, remplissait le journal de ses insipides productions. Un jour, lit-on dans les Mémoires secrets, elle se trouvait dans une petite société littéraire où chacun a la liberté de produire ses ouvrages. Un sieur Gilbert, poète dans toute la valeur du terme, qui ne manque pas de talent, et surtout est doué d’une chaleur singulière, telle qu’il a l’air d’un énergumène en récitant ses opuscules, lisait une pièce de poésie de sa façon. La baronne, sans égard pour l’amour-propre de l’auteur, causait et riait avec une grande indécence pendant cette lecture, au point que le sieur Gilbert, s’en apercevant, et ne pouvant y tenir, de rage mit son papier sur la table, et, regardant madame de Prinzen, lui adressa le quatrain suivant :


Ah ! Prinzen, par pitié, daignez du moins m’entendre !
Oui, mes vers sont d’un froid et d’un lourd sans égal ;
Mais le mal que je fais, vous pouvez me le rendre :
Faites-moi quelque jour lire votre journal.


La baronne de Prinzen ne garda que peu de temps le Journal des Dames ; elle traita du privilége avec Mercier, qui le continua pendant près de trois ans. Au commencement de 1777, celui-ci le céda à