Page:Hatin - Histoire politique et littéraire de la presse en France, tome 3.djvu/154

Cette page a été validée par deux contributeurs.

entraves que leur donne continuellement le ministère. Ce livre pouvait renfermer des vues utiles, mais tellement noyées dans un fatras de raisonnements scientifiques et abstraits, qu’il fallait un courage héroïque pour les y démêler. »

Le temps n’était pas encore à ces études sérieuses. Les apôtres de la nouvelle doctrine apportaient d’ailleurs dans leurs prédications des formes peu propres à lui concilier des adeptes. « Ces enthousiastes, comme tous les sectaires, débitaient leurs assertions avec autant de mépris pour leurs adversaires que de confiance en eux-mêmes, et l’on ne pouvait disconvenir que le ton général de leur journal ne fût un ton de morgue et de pédantisme, qui ne pouvait que faire grand tort aux vues, d’ailleurs très-utiles, de ces citoyens estimables. » Les adversaires de la science y sont appelés des brigands, des léopards, des singes tombés dans de la boue sanglante. Linguet, qui eut une large part à ces libéralités économiques, et qui les relève justement, convient cependant que ces philosophes ont rendu de grands services à la raison, et qu’ils ont éclairci des points essentiels de la politique.

Parmi les plus ardents collaborateurs de l’abbé Baudeau, nous devons distinguer le marquis de Mirabeau, le père du célèbre orateur. Nous trouvons dans les Mémoires de ce dernier, à la date du 6 mars 1769, une preuve singulière de l’excès de morgue et