Page:Hatin - Histoire politique et littéraire de la presse en France, tome 3.djvu/134

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

les yeux sur leurs défauts. Cet ouvrage est susceptible d’un intérêt vif et soutenu. Il ne dépend point, comme les autres écrits périodiques, du degré de force ou de faiblesse des productions littéraires qu’ils doivent faire connaître ; tous les objets de la société sont à sa disposition, et cette scène, aussi étendue que variée, se renouvelle sans cesse ; jamais elle ne laisse de vide au théâtre. Il ne faut donc que de l’aptitude pour saisir les caractères, et du génie pour les reproduire. Addison en avait, et son Spectateur est digne de servir de modèle à tous ceux qui pourront l’imiter[1]. »

Mais Bastide était loin d’avoir l’aptitude, et encore moins le génie du philosophe anglais. Voici le jugement que le Littérateur impartial porte du Monde comme il est :

« Un auteur qui, renfermé dans son cabinet, prend la résolution d’écrire tout ce qui se présente à son esprit, et tout ce qu’il apprend par la voix du public, est assurément plus occupé qu’amusant ou utile. Le peintre du Monde comme il est a fait de son cabinet une chambre obscure : tous les objets viennent d’eux-mêmes se placer sur son papier, mais ils s’y placent à la renverse ; il dessine ces objets comme il les voit, et les présente au public tous les deux jours, à un prix qui paraît modique d’abord, mais qui égale celui des meilleurs ouvra-

  1. L’Observateur littéraire, t. 1er de 1761, p. 85.