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de leur matière, mais tels qu’ils se font lire et taire la colomnie ; assez pour m’égayer et ne m’estranger point les plus délicattes oreilles par mes poëmes ; assez pour n’abandonner pas le soin qu’il a pleu au Roi me commettre du reiglement des pauvres, quelque difficulté qui s’y trouve, dont j’appelle à tesmoing tous les Ministres de l’Estat et les principaux Officiers des cours souveraines, et assez encor pour obliger le public, en cet establissement de mes Bureaux de rencontre, de toutes ses nécessitez. Ils diront sans doute bien plus hardiment qu’ils le faisoyent, que je devroye employer cette vigueur toute entière à l’exercice de ma profession. C’est aussi ce que je fay : je ne partage point mon esprit en mesme temps à deux diverses choses. Ceux qui ont quelque nom en la médecine, avec lesquels j’ay souvent l’honneur d’en conférer, doivent ce tesmoignage à la vérité.

Mais suis-je à blasmer si j’imite quelquefois le compas, dont l’autre pied descrivant une figure, n’empesche pas la maistresse branche de se tenir à son point. Non, ces petits Aristarques me permettront de leur dire qu’ils ne sçavent pas la longueur d’un jour naturel, ménagé d’un bon ordre, dont les jeux et les divertissements sont les choses qu’ils censurent. Comme s’ils blasmoyent un architecte de ce qu’il n’a pas toujours l’esprit bandé à la proportion de ses voûtes et de ses colomnes, mais de ce qu’il égaye quelquefois sa main à desseigner la posture d’un marmot, ou la grimace d’une teste de satyre. La médecine est le centre de mon repos, c’est la masse de mon édifice ; sont-ils fachez si mes passe-temps ont quelque chose de plus que des figures ? L’Hypocrate et le Galien n’estoient pas de cet avis, quand ils nous désiroyent la cognoissance de toutes les disciplines ; et jusques aux pauvres malades reconnoissent la différence qu’il y a entre l’ennuieuse pesanteur de celuy qui ne les tire jamais du triste penser de leur maladie, et la gayeté d’un esprit universel qui sçayt divertir le leur, quand il en est temps, par la plaisante variété de son discours, lequel, bien souvent, ne sert pas moins de médecine à l’âme que les remèdes matériels au corps, et qui, pour leur grande connexité, n’est guères moins