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S’ils ont eu quelque succès, je crois en être redevable aux principes que j’ai suivis, et dont j’aime à vous rendre compte.

J’ai toujours cru qu’un critique honnête ne devait jamais avoir d’autre but que d’instruire. S’il veut offenser et humilier, il est odieux ; s’il veut flatter, il est insipide ; s’il veut tromper, il est vil ; s’il réunit ces trois vices, il est infâme.

Quand les intentions sont pures, le style est décent. Ils mentiraient ceux qui, en écrivant des grossièretés et des injures, se diraient animés du zèle de la vérité.

Vous avez à parler ou d’un écrivain supérieur, ou d’un homme médiocre, ou d’un homme sans talent qui écrit par manie ou par besoin : vous devez au premier du respect, à l’autre des égards, au dernier de l’indulgence.

S’il est question d’un ouvrage excellent, d’un bon ouvrage, plus vous mêlerez d’observations aux louanges, plus vous éclairerez le lecteur et servirez le bon goût, sans blesser l’auteur. Le ton de l’admiration vraie se fera sentir jusque dans vos censures, et l’homme supérieur vous permet tout, dès que vous l’avez mis à sa place.

Si l’ouvrage et l’auteur sont médiocres, votre tâche devient plus difficile. Vous avez affaire à un amour-propre tremblant, à une conscience alarmée. Si vous ne lui accordez de mérite que ce qu’il en a, il sera mécontent. Votre devoir n’est pas de le contenter, mais de faire en sorte qu’il n’ait pas droit de se plaindre. Le public et la vérité méritent plus de respect que lui, et rien n’est si funeste que les encouragements donnés au mauvais goût. Servez-vous de ce qu’il y aura de bon dans l’ouvrage pour éclairer l’auteur sur ce qu’il y a de mauvais. S’il est susceptible d’émulation et de progrès, il en profitera, sans peut-être vous aimer d’avantage ; s’il ne voit rien au-delà de ce qu’il a fait, il se plaindra tout seul.

Enfin, s’il s’agit d’une de ces productions dont la foule est innombrable, et que cent cinquante ans de lumières font naître avec une facilité si malheureuse, comme la chaleur fait éclore les insectes, il n’y a qu’une ressource. Peut-être y a-t-il deux bonnes pages dans un volume ; tâchez de les trouver, et citez-les sans