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mérite, et on doit lui rendre cette justice qu’il n’y a peut-être point d’exemple, depuis le commencement de ce siècle, qu’aucun écrivain d’un talent reconnu y ait été maltraité, ni qu’on ait jamais manqué à la décence et aux égards envers ceux qu’on y a critiqués.

Ces égards si indispensables n’ont pas toujours été observés dans d’autres journaux. C’est que malheureusement les auteurs de ces journaux n’étaient pas de véritables gens de lettres, et c’est là un très-grand abus, qui peut-être est la source de tous les autres. Il serait à souhaiter que tous les écrivains n’eussent pour juges de ce genre que des confrères avoués, qui aient fait preuve de talent et jouissent d’une réputation méritée, qui, se devant quelque chose à eux-mêmes, n’oublient jamais ce qu’on doit aux autres et puissent craindre de compromettre leur jugement et leur considération. Mais à quoi faudrait-il s’attendre si par malheur on était jugé par des hommes qui n’auraient rien à perdre, et qui, ne pouvant pas se faire un état de la culture des lettres, qui n’est pas à la portée de tout le monde, auraient recours à la misérable ressource de se faire satiriques en prose, ce qui est à la fois le plus facile et le dernier de tous les métiers.

On ne peut pas se dissimuler combien toute la bonne compagnie de Paris et des provinces, et cette foule d’hommes éclairés dont la France est remplie, combien cette classe distinguée pour qui surtout l’on devrait écrire, est fatiguée de tant de rapsodies périodiques, où l’on n’apprend jamais rien, si ce n’est à mépriser les auteurs de tant d’adulations et de satires également dégoûtantes, de toutes ces compilations mensuelles ou hebdomadaires qui diffèrent par le titre et se ressemblent par l’ennui, enfin de tant d’écrivains sans esprit qui rendent compte de l’esprit des autres. C’est ce dégoût même qui a contribué peut-être à procurer un accueil plus favorable à quelques fragments d’une meilleure littérature qui ont été séparés de la foule, et qui ont attiré les regards des connaisseurs.

Vous avez paru satisfait, Monsieur, ainsi que le public, des morceaux de critique que j’ai hasardés, de temps en temps, dans le Mercure, et auxquels je suis loin d’attacher de l’importance.