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reçu, à l’occasion de son ambassade, la croix de Saint-Louis (cinq louis, cent vingt livres).

Cette affaire occupa tout un mois Paris, la France et l’Europe. Grimm ne pouvait manquer d’en entretenir son illustre correspondant ; mais on ne s’étonnera point qu’il n’ait pas vu précisément les choses du même œil que le complaisant biographe de Suard. Il rapporte une complainte de Corancez, qu’il fait précéder des réflexions suivantes :

Le Journal de Paris a été suspendu depuis trois semaines, à cause d’une vieille chanson du chevalier de Boufflers sur son ambassade auprès de la princesse Christine de Saxe, que le rédacteur s’était avisé d’y insérer en rendant compte d’un recueil de vers et de prose, intitulé Les quatre Saisons littéraires, où se trouve cette malheureuse chanson, faite il y a plus de vingt ans, et que tout le monde sait par cœur. On ne peut nier que ce ne soit une grande sottise d’imprimer dans une feuille qu’on envoie à toute la famille royale des vers où l’on s’est permis de tourner en ridicule la tante de Sa Majesté ; mais il n’est pas moins certain que ce n’est que par pure ignorance qu’on a commis une pareille faute, que la chanson est assez ancienne pour qu’on ait pu en oublier le véritable sujet, et qu’après tout le rédacteur de l’article n’a fait que citer des couplets qu’on avait imprimés impunément avant lui dans un livre publié et vendu depuis deux mois avec privilége et approbation. Quoi qu’il en soit, si messieurs les rédacteurs méritaient une petite leçon pour n’être pas mieux instruits de ce que dans la bonne compagnie personne n’ignore, il y a eu des gens d’esprit qui ont fort bien jugé que cette leçon pourrait avoir plus d’un côté utile ; en conséquence, on a fort exagéré les torts de leur étourderie. Le privilége du journal leur a été retiré par ordre exprès du roi. On a répandu adroitement le bruit qu’il pourrait bien être supprimé tout à fait,