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jourd’hui d’avoir de l’esprit… Tandis qu’un petit nombre d’écrivains illustres honore et éclaire la nation, un bien plus grand nombre d’écrivains obscurs, possédés de la manie d’être littérateurs, sans titres et sans études, ont fait une espèce de ligue pour se venger du public, qui les oublie, et des véritables gens de lettres, qui ne les connaissent pas ; ils sont convenus de se trouver du génie les uns aux autres, et de le répéter jusqu’à ce qu’on le croie. Ils ont établi que l’honnêteté de l’âme consistait à louer tout ce qui n’était pas louable, à applaudir de toutes ses forces lorsqu’on s’ennuyait. Ils ont décidé que celui qui aurait l’audace de n’être pas tout-à-fait aussi épris de leurs ouvrages qu’ils le sont eux-mêmes serait un homme d’un caractère affreux, sans douceur, sans aménité, sans respect pour les lois de la société, en un mot sans honnêteté, c’est le terme. »

C’est ce qu’éprouva La Harpe lui-même, ce premier lieutenant de Voltaire. Nous ne voyons plus guère en lui aujourd’hui que le grave et élégant aristarque du Cours de Littérature ; mais avant de monter dans la chaire du Lycée, il avait tenu le sceptre, ou, si l’on veut, la férule, dans le Mercure et dans le Journal de Bruxelles ; même antérieurement à son entrée dans le journalisme, avant d’être une puissance, il avait eu ses jours d’émeute. Dès ses débuts, bien qu’il semblât aspirer avant tout à la