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tout seul aux Encyclopédistes, ameutés en masse… Il arrive à Paris, jeune encore et profondément versé dans l’étude de l’antiquité ; la grande ville était alors toute fumante sur le volcan philosophique qui brûlait dans son sein… Il lève l’étendard de l’opposition philosophique ; il entre en lice le premier, visière levée, et il dit à ses champions : « Venez et combattez derrière moi, à mon ombre et le visage couvert. » Alors commence cette lutte de vingt ans entre Fréron et le parti philosophique. Chaque jour, matin et soir, Fréron est sur la brèche, voyant venir les nouveaux hommes et les œuvres nouvelles. Que de grands hommes il a vu ainsi venir du haut de la critique où il s’était placé, comme au sommet d’une tour inexpugnable ! Tout le XVIIIe siècle a passé devant lui en hurlant des cris de rage ; et lui, il a jugé tranquillement et de sang-froid le XVIIIe siècle qui passait…

» Autant Voltaire aimait la gloire, autant il haïssait Fréron ; autant Voltaire adorait la toute-puissance, autant il détestait Fréron. Cela vous paraîtra hardi à dire, et cependant cela n’est que vrai : le grand Voltaire, ce maître souverain de l’Europe philosophique et littéraire, ce grand poète qui a pensé détrôner le Christ, ce roi tout puissant dont la capitale était Ferney, ce roi de l’esprit et des révolutions, des grâces et des paradoxes, ce prodige qui a renversé en se jouant, et comme il eût brisé