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et à volonté cet esprit d’autrui, à s’en inspirer, et souvent mieux que cet autre n’avait fait lui-même, à s’en échauffer, non-seulement de tête, mais de cœur ; il était le grand journaliste moderne, l’Homère du genre, intelligent, chaleureux, expansif, éloquent, jamais chez lui, toujours chez les autres, ou, si c’était chez lui et au sein de sa propre idée qu’il les recevait, le plus ouvert alors, le plus hospitalier des esprits, le plus ami de tous et de toute chose, et donnant à tout son monde, tant lecteurs qu’auteurs ou artistes, non pas une leçon, mais une fête. »


Mais retournons à Fréron et à l’Écossaise. À quelques numéros du compte-rendu de la première représentation, il revient sur cette pièce, qu’il juge avec sang-froid et avec beaucoup de justesse. Les gens de lettres, dit-il, et les amateurs les plus estimables par leurs lumières et les plus zélés pour la gloire de la scène française gémissent de voir représenter une pareille pièce ; ils s’étonnent qu’après que nos grands hommes ont travaillé pendant un siècle à purger l’art dramatique de tout ce qui le déshonorait, il ait pu être permis à un homme inquiet, mécontent, envieux, atrabilaire, de verser sur les lettres le poison qui le dévore, d’abuser de la célébrité de son nom et du crédit de ses partisans pour nous replonger dans la nuit dont nous