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des méchants, et je vole au-devant des bons. S’il y a dans un ouvrage, dans un caractère, dans un tableau, dans une statue, un bel endroit, c’est là que mes yeux s’arrêtent ; je ne vois que cela, je ne me souviens que de cela, le reste est presque oublié. Que deviens-je lorsque tout est beau !… » Cette disposition de bon accueil, de facilité universelle et d’enthousiasme, avait son péril sans doute. On a dit de lui qu’il était singulièrement heureux en deux points, « en ce qu’il n’avait jamais rencontré ni un méchant homme, ni un mauvais livre. » Car, si le livre était mauvais, il le refaisait, il imputait à l’auteur, sans y songer, quelques-unes de ses propres inventions à lui-même ; il trouvait de l’or dans le creuset, comme l’alchimiste, parce qu’il l’y avait mis. J’indique l’inconvénient et l’abus. Pourtant c’est bien à lui que revient l’honneur d’avoir introduit le premier chez nous la critique féconde des beautés, qu’il substitua à celle des défauts, et, en ce sens, Châteaubriand lui-même, dans cette partie du Génie du Christianisme qui traite éloquemment de la critique littéraire, ne fait que suivre la voie ouverte par Diderot… « Diderot avait au plus haut degré cette faculté de demi-métamorphose qui est le jeu et le triomphe de la critique, et qui consiste à se mettre à la place de l’auteur et au point de vue du sujet qu’on examine, à lire tout écrit selon l’esprit qui l’a dicté. Il excellait à prendre pour un temps