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deux traits, l’un contre Dieu, l’autre contre moi ; mais l’article où ils se sont le plus déchaînés sur mon compte, c’est l’article Critique. Il y en a mille autres que je ne me rappelle pas, et mille autres que je n’ai pas lus.


Tout était bien jusque là, et Fréron aurait eu en tout ceci un trop beau rôle si vers la fin de sa lettre son amour-propre n’avait pas pris le dessus, s’exaltant jusqu’à lui faire dire : « Je crois que je m’y connais un peu, Monsieur ; je sais ce qu’ils valent, et je sens ce que je vaux. Qu’ils écrivent contre moi tout ce qu’ils voudront ; je suis bien sûr qu’avec un seul trait je ferai plus de tort à leur petite existence littéraire qu’ils ne pourront me nuire avec des pages entières de l’Encyclopédie. »

Des deux côtés il y a un moment où la folie commence. Malgré tout, Fréron était dans son droit ; et à ce sujet M. de Malesherbes écrivait à d’Alembert une admirable lettre qu’on peut lire dans les Mémoires de l’abbé Morellet, et dans laquelle sont posés tous les vrais principes de la tolérance littéraire. Il y joignit une lettre à l’abbé Morellet, qui s’était entremis dans cette affaire, et lui disait :

« Pour les gens de lettres, l’expérience m’a appris que quiconque a à statuer sur les intérêts de leur amour-propre doit renoncer à leur amitié, s’il ne veut affecter une partialité qui le rende indigne de leur estime. »

— « Je suis très-accoutumé, disait-il encore en