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que Fréron avait été aux galères, que la moitié de l’Europe savante finit par le croire, et l’autre moitié par en douter.

Cependant la vengeance de Voltaire demeurait incomplète tant que l’Écossaise n’avait pas été représentée. Il travailla donc sans relâche à se donner cette satisfaction, et il l’obtint le 26 juillet de la même année. La bravoure de Fréron, si l’on peut ainsi dire, ne se démentit pas dans cette occasion solennelle : placé, le jour de la première représentation, au centre de l’orchestre, où il était le point de mire de toute la salle, il assista stoïquement au spectacle de sa propre dégradation, si je puis ainsi dire ; il se vit sans sourciller attaché à cet infâme pilori, tandis que le public, recruté parmi les amis de Voltaire, et la cabale philosophique, applaudissaient à tout rompre. Il n’y avait qu’un Fréron ou un Socrate qui pussent se voir de sang-froid traiter ainsi en plein théâtre de vil coquin, de scélérat. Madame Fréron, qui, par l’ordre de son mari, siégeait au premier rang de l’amphithéâtre, ne put soutenir jusqu’au bout une si pénible épreuve ; elle se trouva mal, et l’on fut obligé de l’emporter.

Voici comment s’exprime Delisle de Sales à propos de ce honteux scandale :


Me voilà arrivé à la partie peut-être la plus délicate de ces mémoires : il s’agit d’avoir raison contre un grand homme qui m’honora