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n’est pas jusqu’à M. de Malesherbes que nous le verrons insulter tout à l’heure pour le trouver trop tiède à le venger des critiques de Fréron.


Quel que fût le stoïcisme de Fréron, on comprendra que la modération ne lui fut pas toujours facile dans une pareille guerre. Cependant sa critique n’a pas la violence qu’on pourrait supposer ; elle est de beaucoup dépassée sous ce rapport par certaine critique de nos jours qui n’a pas pour elle les circonstances atténuantes qu’on pourrait invoquer en faveur de Fréron. On en jugera par l’article suivant, qui mit le feu aux poudres et détermina l’explosion de la colère, de la haine de Voltaire, si longtemps, si violemment concentrée. Fréron commençait ainsi la lettre 1re du tome VI des Lettres sur quelques écrits de ce temps (1752).


S’il y avait parmi nous un auteur qui aimât passionnément la gloire et qui se trompât souvent sur les moyens de l’acquérir ; sublime dans quelques-uns de ses écrits, rampant dans toutes ses actions ; quelquefois heureux à peindre les grandes passions, toujours occupé de petites ; qui sans cesse recommandât l’union et l’égalité entre les gens de lettres, et qui, ambitionnant la souveraineté du Parnasse, ne souffrît pas plus que le Turc qu’aucun de ses frères partageât son trône ; dont la plume ne respirât que la grandeur et la probité, et qui sans cesse tendît des piéges à la bonne foi ; qui changeât de dogmes suivant les temps et les lieux, indépendant à Londres, catholique à Paris, dévot en Austrasie, tolérant en Allemagne ; si, dis-je, la patrie avait produit un écrivain de ce caractère, je suis persuadé qu’en faveur de ses talents