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Fontenoy, et représenté à une fête donnée à Versailles le 27 novembre 1745.

Voici comment il débute :


Ce n’est pas seulement par l’élévation de son génie que Corneille a mérité le nom de grand ; la droiture et la noble simplicité de son cœur, sa modestie, compagne ordinaire du vrai mérite, son aversion pour les vils manéges, son indifférence pour les honneurs et les bienfaits de la cour, son attachement à la religion, tout concourait dans sa personne à lui acquérir ce titre glorieux… Ce poète, le seul digne peut-être de remplir l’étendue de ce nom, se citait au tribunal de sa propre raison, et se jugeait avec toute la rigueur dont aurait pu s’armer l’envieuse rivalité ; il imprimait à la tête de ses ouvrages et découvrait au public les fautes qui lui étaient échappées, soit dans le dessein, soit dans l’exécution.


Et comme s’il eût craint que Voltaire ne se reconnût pas dans ce portrait par antiphrase, il continue ainsi :


Qu’il serait heureux, pour le maintien du bon goût, que tous les auteurs célèbres eussent le désintéressement et la bonne foi de Corneille ! Il ne manque aux talents de M. de Voltaire que de rendre ce service à la littérature. Si, au lieu de songer à de nouvelles productions, il prenait la peine de revoir ses enfants d’un œil sévère et d’en relever héroïquement les défauts, n’aurait-il pas assez d’occupation pour le reste de sa vie ? En attendant qu’il se livre à ce noble travail, je vais risquer mon sentiment sur son Temple de la Gloire. L’estime singulière que j’ai conçue depuis longtemps pour cet illustre écrivain m’inspirera, dans cet examen, autant d’indulgence que l’amour paternel pourrait lui en donner à lui-même, s’il entreprenait de se critiquer.