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pourrions, il semble, mieux faire que de nous appuyer de l’autorité de M. Bayle ; « La république des lettres, dit ce célèbre écrivain, est un état entièrement libre ; on n’y reconnaît que l’empire de la vérité et de la raison, et sous leurs auspices on fait la guerre innocemment à qui que ce soit… Chacun y est tout ensemble souverain et justiciable de chacun. Les lois de la société n’ont pas fait de préjudice à l’indépendance de l’état de nature par rapport à l’ignorance ; tous les particuliers, à cet égard, ont le droit du glaive… Les satires tendent à dépouiller un homme de son honneur, ce qui est une espèce d’homicide civil ; mais la critique d’un livre ne tend qu’à montrer qu’un auteur n’a pas tel et tel degré de lumières. Or, comme il peut, avec ce défaut de science, jouir de tous les droits et de tous les priviléges de la société, sans que sa réputation d’honnête homme et de bon sujet de la république reçoive la moindre atteinte, on n’usurpe rien de ce qui dépend de la majesté de l’État en faisant connaître les fautes qui sont dans un livre. Il est vrai qu’on diminue quelquefois la réputation d’habile homme qu’un auteur s’était acquise ; mais si on le fait en soutenant le parti de la raison et pour le seul intérêt de la vérité, et d’une manière honnête, personne n’y doit trouver à redire.


Analysant ensuite une harangue du P. Porée sur les critiques, Desfontaines ajoute, entre autres réflexions :


J’aurais souhaité que sa première proposition, qui concerne la nécessité de la critique, eût été un peu plus solidement appuyée, et qu’il eût entré dans des détails plus intéressants ; qu’il eût fait plus sentir que tout ce qui tourne au profit de la vérité et à l’avantage des sciences et des beaux-arts est une chose toujours louable et toujours à désirer ; qu’il est vrai que la réputation de nos semblables ne doit jamais être sacrifiée, même à la vérité, mais que cela ne doit pas s’entendre de la réputation littéraire, blessée quelquefois par la critique, parce que cette réputation ne