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une grande place dans l’histoire littéraire de son temps, depuis 1725 jusqu’en 1745.

Desfontaines débuta par la censure d’un livre alors fort en vogue, et aujourd’hui complétement oublié, de l’abbé Houtteville, intitulé : la Religion chrétienne prouvée par les faits. Cet ouvrage, qui avait ouvert à son auteur les portes de l’Académie, était sous tous les rapports fort au-dessous de l’honneur qu’on lui faisait. Desfontaines osa s’élever contre le jugement du public, et fit voir, avec autant de justesse que d’agrément, toute la faiblesse de cette œuvre tant prônée. Le public, comme la fortune, favorise les audacieux qui le bravent : il accueillit avec faveur la critique de Desfontaines, et le livre de l’abbé Houtteville ne se releva pas du coup.

Ce succès anima notre critique d’une nouvelle ardeur. La Mothe passait alors pour le premier des poètes vivants ; il avait ses partisans enthousiastes, frénétiques : l’attaquer n’était pas une petite affaire. Desfontaines le fit dans ses Paradoxes littéraires, au sujet de la tragédie d’Inès de Castro, et le suffrage du public encouragea encore une fois son audace. On applaudissait à la sagacité avec laquelle il avait su se préserver de l’illusion générale, et apercevoir des défauts là où le parterre prévenu n’avait vu que des beautés. La pureté, l’enjouement de son style, ajoutaient encore un nouveau prix à ses critiques. De ce moment l’abbé Desfontaines devint célèbre.