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mais, comme le dit M. Sainte-Beuve avec cette douce raison qui donne tant de charme à son érudition, pour bien apprécier les anciens critiques et leurs productions de circonstance, on doit se remettre en situation et se replacer en idée dans l’esprit du temps.

Les procédés de la critique étaient bien différents alors de ce qu’ils sont aujourd’hui. Nos critiques modernes — et je parle des écrivains sérieux — se soucient généralement peu de donner idée du livre à l’occasion duquel ils écrivent ; ils n’y voient qu’un prétexte à développement pour des considérations nouvelles, plus ou moins appropriées, et pour des essais nouveaux ; l’auteur primitif sur lequel on s’appuie disparaît, c’est le critique qui devient le principal et le véritable auteur ; ce sont des livres écrits à propos de livres. Tout au contraire, les écrivains du Journal des Savants, et des feuilles qui marchèrent sur ses traces, s’effaçaient complétement derrière le livre dont ils avaient à parler. Leur but était de tenir les savants des divers pays au courant des écrits nouveaux, et de les leur offrir du moins par extraits fidèles et sûrs, en attendant qu’ils pussent se procurer l’ouvrage même. Pour cela ils se bornaient le plus souvent à une exacte et sèche analyse, à un compte-rendu pur et simple, une sorte de description du livre, très-peu différente souvent d’une table des matières ; sous prétexte d’en donner