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avait passé en Hollande. En fondant le recueil dont nous nous occupons, il s’était proposé de donner tous les mois des réflexions sur l’état présent de la république des lettres, persuadé qu’il était qu’une réforme dans l’empire littéraire serait non seulement profitable, mais encore très-nécessaire au bien et à l’instruction de toutes les nations européennes.


Depuis longtemps, disait-il, les savants se sont approprié le droit de ne point assez respecter le public, n’y ayant presque aucun d’entre eux qui ne soit responsable de quelque erreur qui s’est introduite par ses écrits… Il serait donc fort utile qu’il y eût dans la république des lettres un tribunal souverain qui jugeât des ouvrages des grands hommes avec l’impartialité qui conviendrait à des magistrats qui représenteraient les neuf muses et qui seraient les substituts d’Apollon. Le tribunal des journalistes est insuffisant, ajoutait-il, et même récusable, parce qu’ils ne parlent guère que des livres nouveaux, qu’ils donnent également des extraits des bons et des mauvais ouvrages, qu’il y a déjà longtemps qu’on les accuse de partialité et de se ressentir du vice interne qui cause tant de maux dans la république des lettres. Il faut des juges qui ne fassent aucune mention des ouvrages subalternes, qui entrent dans le détail des beautés et des fautes des bons auteurs, tant anciens que modernes, qui développent au public les causes des erreurs des grands hommes, qui fournissent les moyens de s’en garantir, qui parlent des intrigues littéraires, et qui montrent les ressorts cachés qui font agir les savants.


D’Argens veut bien se charger de cette magistrature suprême ; mais, pour égayer son sujet, il promet d’entremêler ses jugements d’anecdotes, de bons mots, d’histoires propres à amuser le lecteur,