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testait cordialement toute la race des critiques. On connaît cette tirade de la Pucelle (3e chant) :


Ô toi, Sottise ! ô grosse déité,
De qui les flancs à tout âge ont porté
Plus de mortels que Cybèle féconde
N’avait jadis donné de dieux au monde,
Qu’avec plaisir ton grand œil hébété
Voit tes enfants dont ma patrie abonde,
Sots traducteurs, et sots compilateurs,
Et sots auteurs, et non moins sots lecteurs !
Je t’interroge, ô suprême puissance !
Daigne m’apprendre, en cette foule immense,
De tes enfants qui sont les plus chéris,
Les plus féconds en lourds et plats écrits,
Les plus constants à broncher comme à braire
À chaque pas dans la même carrière
Ah ! je connais que tes soins les plus doux
Sont pour l’auteur du Journal de Trévoux[1].


Citons encore ce trait que leur décoche J.-B. Rousseau (Épigr., iii, 29) :


Petits auteurs d’un fort mauvais journal,
Qui d’Apollon vous croyez les apôtres,
Pour Dieu ! tâchez d’écrire un peu moins mal,
Ou taisez-vous sur les écrits des autres.
Vous vous tuez à chercher dans les nôtres
De quoi blâmer, et l’y trouvez très-bien :
Nous, au rebours, nous cherchons dans les vôtres
De quoi louer, et nous n’y trouvons rien.

  1. L’auteur sur lequel tirait Voltaire dans ce passage était le P. Berthier, qu’il poursuivit plus particulièrement de ses sarcasmes. Voy. Relation de la maladie, de la confession, de la mort et de l’apparition du jésuite Berthier, etc. (Édit. Beuchot, t. xl, p. 12). Ce célèbre jésuite rédigea le Journal de Trévoux depuis 1745 jusqu’à la destruction de sa société. Cette carrière pénible et délicate lui