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il paraît à la fois en avance et en retard sur son siècle : en avance par son dégagement d’esprit et son peu de préoccupation pour les formes régulières et les doctrines que le xviie siècle remit en honneur après la grande anarchie du xvie ; en retard d’au moins cinquante ans par son langage, sa façon de parler, sinon provinciale, du moins gauloise, par plus d’une phrase longue, interminable, à la latine, à la manière du xvie siècle. Il écrit à toute bride ; il a cette liberté de façon à la Montaigne qui est, il l’avoue ingénuement, de savoir quelquefois ce qu’il dit, mais non jamais ce qu’il va dire. Le séjour de Paris l’aurait poli sans doute, lui aurait fait perdre son tour, qu’il garda intact dans sa vie de province et de cabinet. Eût-ce été un bien ? Y aurait-il gagné ? Nous ne le croyons pas ; pour notre compte, nous l’aimons mieux avec ses images franches, imprévues, pittoresques, malgré leur mélange. Il rappelle le vieux Pasquier avec un tour plus dégagé, ou Montaigne avec moins de soin à aiguiser l’expression. Chez lui, d’ailleurs, le mot vif, qui ne se fait jamais attendre, rachète cette phrase longue que Voltaire reprochait aux Jansénistes.

Bayle lui-même remarque, au sujet des longues périodes, que ceux qui s’inquiètent si fort des règles de grammaire, dont on admire l’observance chez l’abbé Fléchier ou le Père Bouhours, se dé-