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succinct, assez libre, mais sans amertume et sans fadeur. Tout le monde, d’ailleurs, à l’exception de Guy Patin, peut-être, qui, pour des motifs que nous verrons tout à l’heure, détestait aussi cordialement le Journal des Savants que la Gazette[1], tout le monde s’accorde à reconnaître que Sallo, dans ses appréciations, n’obéissait à d’autres mobiles que l’amour des lettres et l’intérêt de la vérité. Mais c’eût été un miracle qu’une hardiesse, si nouvelle ne soulevât pas des tempêtes parmi le genus irritabile vatum. La république des lettres, qui n’était pas accoutumée alors à cette suprématie du journalisme, se révolta contre ce censeur d’un nouveau genre, qui venait, de son autorité privée, se poser en arbitre suprême des sciences, de la littérature et des arts. Jusque-là les auteurs sifflés avaient trouvé dans leurs petites coteries des applaudissements qui les dédommageaient de la prétendue jalousie de leurs rivaux ; mais un journal qui citait impérieusement à sa barre les écrivains grands et petits, qui venait donner une voix publique aux critiques sourdes et cachées et les révéler à l’Europe, un pareil journal portait une atteinte impardonnable à l’inviolabilité que s’étaient décernée les auteurs. Ménage, dont l’érudition avait été critiquée ; Charles Patin, dont on avait attaqué

  1. À entendre l’irascible docteur, « le fait de Sallo n’était que finesse pour faire valoir ses amis et nuire à ceux qui ne l’étaient pas. »