Page:Hatin - Histoire politique et littéraire de la presse en France, tome 2.djvu/162

Cette page a été validée par deux contributeurs.

L’entreprise de Sallo était délicate et jusqu’à un certain point périlleuse. Soit par cette considération, soit qu’il pensât qu’en gardant l’incognito il serait plus à même de juger de l’impression que produirait son ouvrage et de profiter des observations qu’il susciterait, il se cacha sous un pseudonyme : le Journal des Savants fit son apparition sous le faux nom du sieur d’Hédouville. C’était, selon les uns, le nom de son valet de chambre ; selon d’autres, celui d’une terre qu’il possédait en Normandie. Le stratagème lui réussit tout d’abord, si l’on en juge par une phrase de Guy Patin : « Pour le sieur d’Hédouville, c’est un nom en l’air, lequel cache un cadet de Normandie, qui par conséquent n’a guère d’argent. » Mais la position de Sallo était trop en vue, et, d’un autre côté, trop d’amours-propres froissés avaient intérêt à découvrir la main qui les frappait pour qu’il pût longtemps demeurer inconnu.

Quelles que fussent, en effet, la réserve et la gravité de Sallo, il n’avait pu se garder d’un peu de satire, car, ainsi que l’a dit La Fontaine,

Tout faiseur de journal doit tribut au malin.

Cependant il ne s’écarta jamais, dans ses critiques, des règles de la politesse et de la modération ; il se bornait pour l’ordinaire à donner une analyse nette et exacte des ouvrages nouveaux, avec un jugement