Page:Hatin - Histoire politique et littéraire de la presse en France, tome 2.djvu/124

Cette page a été validée par deux contributeurs.

les traducteurs, les éditeurs, les commentateurs, les critiques même, les littérateurs, les bibliographes, enfin la nombreuse classe des hommes illustrés par l’esprit d’autrui, de ceux à qui leur propre esprit n’aurait jamais fait aucun nom, et dont la réputation tient à ce lustre d’emprunt, sont dans le cas de l’observation. Mais ce sont les journalistes et les écrivains qui remplissent le même objet, à quelque titre ou sous quelque forme que ce soit, que Pline semble ici désigner plus expressément, et comme s’il les avait devinés.

Ainsi la véritable devise de tous les écrivains de ce genre, de ceux qui écrivent sur ce qu’on écrit, qui font des livres sur les livres (suivant l’expression d’un Anglais, comme madame de Maintenon disait de l’Académie française qu’on y parlait sur la parole), c’est le mot de Pline. Il peut même aujourd’hui s’appliquer à plus des trois quarts et demi de ceux qui prétendent à la réputation d’esprit, en quelque sens qu’on le prenne ; et en attendant que les journalistes l’adoptent uniquement pour leur cri de guerre, nous nous en emparons pour cette feuille. Il est sans doute assez fâcheux que la réflexion de Pline diminue un peu l’importance qu’on s’efforce d’attacher aux journaux ; mais la petitesse de notre feuille la dérobe à cette humiliation.

Quand Photius, pour se rendre compte à lui-même, ainsi qu’à Taraise, son frère, des livres en tout genre qu’il avait lus, faisait les notices et les extraits qui composent sa Bibliothèque, il n’imaginait sûrement pas que ce travail dût jamais lui faire presque autant de réputation que son fameux schisme, et produire un jour cette foule de journaux dont il est le père. Il ne pensait à rien moins qu’à poser le modèle, puisqu’il dit simplement de chaque ouvrage : Je l’ai lu. Cependant, par tous ses extraits, on voit que personne ne lisait pour lui, qu’il lisait, en effet, lui-même, et qu’il est toujours plein du livre qui l’occupe ; en sorte qu’aucun journaliste ne pourrait aujourd’hui mieux faire. Or, comme alors les livres étaient rares ou d’une acquisition difficile, il fait souvent de très-longs extraits, suivant la nature de l’ouvrage.

On sait que c’est la Bibliothèque de Photius qui fit naître à