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est homme d’esprit, pourvu qu’il ne soit pas paresseux ; il est au contraire flatté par la contradiction, parce qu’il a réponse à qui va là ? Mais si, n’ayant point d’orgueil, il se trouve paresseux, il n’y a esprit qui tienne, il aimera mieux souffrir la contradiction que de contredire à son tour, être le plastron que de porter la botte ou de la parer.

Mais est aussi la particule du refus. Je voudrais bien vous donner ou vous prêter ceci, ou cela, mais j’en ai besoin. Je suppose un homme opulent au-delà de ce que peuvent posséder, non des particuliers, mais des princes et des souverains, il me semble l’entendre dire : Ah ! que n’ai-je les trésors de Crésus ! Quel plaisir de faire fleurir les arts et les sciences, d’aller au devant des besoins de la République, de faire des fondations pieuses, de ne permettre pas que personne souffre, non-seulement dans les lieux où je suis établi, mais même dans des climats éloignés ! mais… Il n’y a point de mais qui trouve plus de raisons à alléguer que celui-ci.

Mais est une particule fatale à l’ambition et à la vanité, ces sources inépuisables de désirs. Elle arrête ordinairement tout court les Je voudrais. Si on consulte l’intérieur des hommes, il ne s’en trouvera guère qui ne fussent bien aises d’être grands, d’être princes et rois ; et même, à voir la conduite des grands envers leurs inférieurs, et leur aigreur dans les mauvais succès, on comprend aisément qu’un peu de divinité ne les incommoderait pas, mais… Non-seulement cela, le mais vient à la traverse des commodités de la vie, et même du nécessaire. Je voudrais avoir un carrosse, mais… Je voudrais bien avoir du bois pour me chauffer, un habit pour me garantir du froid pendant cet hiver, mais… Il ne devrait point y avoir, dira-t-on, de pareils mais en pays d’humanité : je l’avoue, mais… Le mais est donc la particule de l’avarice, et le bridon de la générosité et de la compassion.

Le mais est la particule favorite du grand adversaire de tout bien, c’est l’instrument funeste des controverses, c’est-à-dire d’un des plus grands fléaux de la société et de la religion. Quand le prince de la paix vint au monde pour réunir le genre humain,