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Et qu’une jeune fille peut avoir une faiblesse avec un homme, et être ensuite forcée par ses parents d’en épouser un autre.

Et qu’en se livrant au bien, on n’a jamais des remords de l’avoir fait.

Et qu’un mari, sûr de la vertu de sa femme peut recevoir son ancien amant dans sa maison.

Et que la femme peut embrasser quelquefois son ancien amant, sans que le mari en conçoive de la jalousie.

Et elle dira que deux époux peuvent être heureux sans amour.

Et le livre sera écrit d’un beau style pour en imposer aux philosophes.

Et l’auteur pressera les raisonnements pour mieux les convaincre.

Et il accumulera les preuves, et ne les convaincra pas.

Et son style sera orné, fleuri, sublime, nerveux, et on dira qu’il a des endroits si pleins de feu qu’ils brûlent le papier.

Et il connaîtra la simplicité, la justesse, le naturel, et il n’employera la force que pour détruire le vice ; et quelquefois le sarcasme dans les choses indifférentes.

Et le talent de l’auteur sera de faire briller la vertu, et de faire parler la raison, et le bon sens. Il contemplera toujours la nature, et donnera rarement carrière à son imagination.

Et semblable aux médecins qui ordonnent un remède pour prévenir le mal, il produira son livre sous le titre de roman, et par cet innocent artifice il réussira à guérir des cœurs corrompus et à faire aimer la vertu.

Il ne se vantera point d’avoir fait un livre utile ; et comme il aura mis à la tête de son livre un titre décidé, pour qu’une fille chaste sache à quoi s’en tenir en l’ouvrant, il dira : Celle qui, malgré ce titre, en osera lire une seule page, est une fille perdue mais qu’elle n’impute point sa perte à ce livre : le mal était fait d’avance ; puisqu’elle a commencé, qu’elle achève de le lire, elle n’a plus rien à risquer. Et il aurait pu ajouter : elle ne peut même qu’y profiter.

Et après que, dans son roman, il aura fait triompher les