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Et on sera fort étonné qu’un homme épouse une jeune fille dont il sait que le cœur appartient à un autre ; et les philosophes seront étonnés que ce mari soit un honnête homme, et que cet honnête homme soit un athée.

Et les gens raisonnables seront surpris de la contradiction de ces philosophes, qui, ayant établi qu’un athée peut être un honnête homme, nient que le mari de cette jeune fille le soit, parce qu’il est athée.

Et l’amant, pour dissiper son chagrin, ira voyager ; et il aura beaucoup vu dans le tour du monde, et il reviendra en Europe.

Et de retour, il sera reçu dans la maison de sa maîtresse, qui sautera à son col à son arrivée ; et le mari, qui sait toute leur intrigue, n’en sera point jaloux, ce que bien des gens ne pourront concevoir.

Et on croira que, parce que l’amante a eu une faiblesse étant fille, elle doit nécessairement continuer à en avoir étant femme.

Et l’on sera étonné que le jeune homme et cette tendre épouse sachent conserver leur vertu et se respecter en demeurant ensemble, et que le mari plaisante sur leurs aventures.

Et les honnêtes gens croiront aisément que tout cela peut se concilier ; mais les méchants seront dans l’étonnement, et ne pourront jamais y rien comprendre.

Et les plaisirs de l’époux, de l’épouse et de l’amant, seront simples et innocents. La maîtresse veillera sur ses domestiques, et s’en fera aimer ; dans le temps de vendange, elle jouera au milieu des vendangeurs, et en sera respectée ; elle teillera du chanvre avec eux, et le jeune homme prendra plaisir à l’imiter, et ceux qui ne connaissent pas ces innocents plaisirs s’en moqueront.

Et l’amant présidera à l’éducation des enfants ; il leur apprendra surtout à ne parler qu’à propos dans les compagnies, et on ne les instruira dans leur religion que dans l’âge mûr, afin qu’ils la sachent mieux, ce qui ne plaira pas à tout le monde.

Et les repas seront frugals, on saura s’y priver de certains mets qui pourraient faire plaisir, pour mieux les goûter ensuite ; et les méchants appelleront cela gourmandise.