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tendait mettre le Mercure sur le meilleur pied, et d’avance l’envie aiguisait ses traits contre les productions de ce qu’on appelait sa coterie littéraire. Le premier numéro des nouveaux rédacteurs parut enfin. On remarqua tout d’abord qu’ils avaient changé l’ancienne épigraphe : Diversité, c’est ma devise. Après bien des recherches, dit-on, ils s’étaient décidés pour celle-ci : Mobilitate viget, allusion savante à la triple signification du mot qui leur servait de titre : métal — dieu — journal. Cependant on ne peut disconvenir de la valeur de ce premier numéro, mais… Mais laissons parler les malins chroniqueurs.


Le nouveau Mercure est, en effet, supérieur à tous ceux qui paraissent depuis longtemps, par le choix des pièces qu’on y a insérées et la variété répandue dans l’ouvrage. Mais, outre que ces fugitives, très-bonnes en elles-mêmes, ont déjà paru dans différents journaux et autres papiers publics, c’est qu’il est moralement impossible de remplir 14 volumes par an de morceaux d’élite. Un des défauts de l’ancien journaliste était de prodiguer des éloges à tout propos, et d’enivrer de son fade encens le moindre cuistre littéraire, le plus petit histrion. Celui-ci, plus modéré sur les louanges, aura peut-être peine à s’expliquer librement sur quantité de gens qu’il aura intérêt de ménager, et surtout sur les comédiens, dont il tient ses entrées au spectacle, suivant l’usage. Ajoutez à cela les entraves de toute espèce qu’a nécessairement en France un auteur couvert d’un privilège du roi, et toujours sous la main directe du gouvernement. Concluons que le Mercure est par essence une rapsodie tronquée, monotone et fastidieuse, et ne sortira jamais du rang où l’a placé, il y a longtemps, un critique judicieux, c’est-à-dire immédiatement au-dessous de rien.