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ma carrière : elle a manqué aux années de ma vie qui se sont écoulées depuis ; elle manquera à celles qui me restent à parcourir.

Les deux amis avaient déjà fait en commun le Journal étranger, dont nous parlerons dans son temps, quand la rédaction de la Gazette fut proposée à Arnaud. On lui offrait 5,000 francs, le logement, la lumière, le feu et un secrétaire, et on ne lui demandait que de tourner un peu mieux les phrases des nouvelles politiques, sans les tourner pourtant trop bien. C’était le travail d’une heure par semaine. Cependant Arnaud allait refuser, quand Suard, lui faisant sentir sa folie, s’engagea à faire tout le travail à lui seul, en partageant le prix avec son ami qui n’aurait aucunement à s’en occuper.

« Il est difficile, dit Garat[1], de n’être pas un peu étonné de cette différence de caractère et de conduite entre deux hommes de beaucoup d’esprit, intimement amis et vivant ensemble. Mais l’un n’était guère jamais occupé que de beaux vers, de belle prose, et des belles langues des Grecs et des Romains ; l’autre avait partagé son goût et ses études entre le génie des anciens et celui des modernes et il résultait de cette seule différence que, dans une circonstance importante pour tous les deux, le premier se conduisait comme un enfant qui ne sait rien

  1. Mémoires sur M. Suard et sur le xviiie siècle.