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dans l’un des tonneaux qui servirent de rempars à la defense des bourgeois de Paris, lorsque le roy, quittant son palais, t’avoit laissé seul dans les galleries de son Louvre, où tu estois demeuré un moment pour apprendre ce qui se passoit dans l’esprit, dans la pensée, dans l’intention des habitants. Ô dieux ! tu manques de nez, si ce n’est que les plus courts soient les plus beaux, ou que les plus puants soient les meilleurs, comme l’on dit des fromages ; mais tu en eus cette fois, car les païsans révoltés étoient résolus de te faire mourir dans un tonneau de la plus fine merde qui se trouve dans les marais, ou dans la ruë des Gravilliers.

Mais dy-moy, en vérité, que vas-tu faire à Compiègne ? L’on dit que le roy t’a mandé, et qu’il a dessein de t’envoyer en Canada, apprendre de ces peuples la façon de dissimuler avec adresse, et faire passer des impostures pour des verités ; mais il veut que tu sois monté sur un asne, afin que ta personne, tes Gazettes et ton voyage n’ayent rien qui ne sente la beste. Les autres disent que c’est pour contenter l’humeur du prince de Condé, qui désire que tu sois à la cour, afin de rediger par escrit ses plus belles actions, et le mettre au rang des conquerans, comme tu es au nombre des hommes illustres, et des plus celebres en méchanceté.

À propos de ce discours, je me trouvay l’autre jour dans une compagnie, où un jeune homme qui revenoit d’Italie protesta que tu serois le tres-bien venu à Rome, si tu voulois y aller, pour enseigner aux Italiens les remedes dont tu t’es servy pour te guarir de la verole, ou les moyens de bien empoisonner quelqu’un, sçachant qu’en ta personne, comme en celle de ta femme, tu as excellé en ces deux secrets. Pour moy, je ne te conseille pas d’y aller, et peut-estre gaigneras-tu plus icy que là, pour des raisons que tu sçais bien, et qu’il ne faut pas dire.

Les âmes moins scrupuleuses croyent que tu vas à Compiègne pour y apprendre quelque religion, parce que tu n’en eus jamais aucune, et que celle des mahomettans t’est aussi bonne que celle des chrestiens : en effet, tu les approuves toutes, et tu n’en rejettes pas une, et tu ressembles proprement le poëte Aretin,