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LA CONFÉRENCE SECRÈTE DU CARDINAL MAZARIN AVEC LE GAZETIER, ENVOYÉE DE BRUXELLES LE 7 MAI DERNIER.
(Jouxte la coppie imprimée à Bruxelles, 1649.)

C’est une longue conversation entre Mazarin et Renaudot, où les deux compères confessent mutuellement leurs peccadilles, et se concertent sur la marche à suivre pour rétablir leurs affaires. En voici le début :

LE CARDINAL MAZARIN. Monsieur Renaudot, mon bon ami, c’est maintenant plus que jamais que j’ai besoin de tes inventions et de ta plume. Tu vois l’estat où je suis réduit ; tu vois l’orage qui s’est eslevé : il ne faut pas de moindre adresse que la tienne pour en détourner l’effort, sous lequel je ne puis que périr, s’il vient à fondre.

LE GAZETIER. Monseigneur, je croy que V. E. me joue à son ordinaire, mais par une nouvelle invention. Elle ne fut jamais plus heureuse qu’elle est à présent ; elle ne fut jamais si puissante et si honorée, ny avec tant de respect ; elle ne fut jamais si bien qu’elle est dans l’esprit de la reyne ; les princes ne vous furent jamais si soumis ny obéissants, les parlements et les peuples si dévots et si affectionnez ; et vous avez tous les sujets du monde d’être content, ou il faut dire que le contentement ne se peut pas trouver dans ce monde.

LE CARDINAL. Renaudot, trêve de compliment ces flatteries ont été bonnes durant quatre ou cinq ans, pendant lesquels tout ce que tu viens de dire m’estoit un grand motif de gloire et de satisfaction ; j’estois monté sur le fais de la grandeur ; j’avois la conduite et les biens de toute la France en ma disposition, et toute l’Europe me regardoit comme un dieu et l’arbitre de la paix et de la guerre. Mais à présent la charrue est tournée : ceux qui n’osaient me louer, crainte de n’en dire pas assez, ne trouvent pas d’injure assez atroce pour m’en charger, sans appréhension