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champs, et peut vanter avec complaisance et le nombre de ses poiriers, qui n’est pas moindre de cinq cents, et le nombre de ses livres, qui dépasse dix mille.

D’ailleurs, pour être satisfaite de ce côté, la haine de Patin n’était pas assouvie. Renaudot mort, il la reporta sur ses enfants, qui, avait-il espéré, ne devaient jamais être reçus dans la Faculté de Paris, ce qu’il n’avait pu empêcher cependant ; mais il poursuit plus particulièrement de son animosité l’aîné, Eusèbe, qu’il traite de maraud, d’effronté, d’imposteur, et qui, en effet, s’était rendu coupable d’un crime irrémissible aux yeux de Patin : il avait écrit l’Antimoine triomphant !

L’antimoine, voilà, en effet, si l’on peut dire ainsi, la bête noire de Guy Patin ; il souffre difficilement qu’on lui en parle ; il ne veut pas qu’on touche cette corde, quœ habet aliquid odiosum. Ce n’est pas ici le lieu de rappeler cette lutte ardente, assez connue d’ailleurs, entre l’antimoine et la saignée, entre la vieille méthode et les remèdes nouveaux, les remèdes chimiques ; en un mot, entre la routine et le progrès. Guy Patin, doyen de la Faculté de Paris, était naturellement pour la vieille médecine ; Renaudot, lui, était pour la nouvelle : inde iræ, de là cette haine violente dont il le poursuivit jusqu’à sa mort, qu’il reporta sur ses enfants, et dans laquelle se trouvèrent englobés la faculté