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velles, sans presque oser se permettre la moindre réflexion. Ce n’est qu’au milieu du XVIIIe siècle, avec Desfontaines et Fréron, que naquit la critique, nous pourrions presque dire le journalisme.

On sait quelles entreprises la presse a pu de tout temps oser sous le pavillon littéraire à l’époque dont nous parlons, on connaissait déjà cette ruse de guerre. D’ailleurs, tandis que les gazettes politiques étaient si étroitement muselées, les journaux littéraires jouissaient de la plus grande liberté ; à part les représentants du pouvoir et leurs actes immédiats, tout leur était abandonné, tout leur était permis, les matières politiques ou d’économie sociale comme les matières religieuses. Il nous suffira de rappeler l’Année littéraire et sa longue lutte contre l’Encyclopédie. Et si l’on veut un autre exemple, quand Linguet descendit dans l’arène du journalisme, il abandonna à un faiseur de gazettes la partie politique de son journal, et se réserva la partie littéraire : c’est embusqué derrière un volume quelconque, qu’il décochait contre les encyclopédistes et les économistes, contre l’académie et le barreau, un peu enfin contre tout le monde et toutes choses, ces traits acérés qui firent tant crier.


On pourra s’étonner de cette tolérance, qui n’était pourtant pas sans intermittences. Mais le gouver-