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manger ; seulement chaque abonné choisit la lecture qui l’amuse, qui l’instruit ou qui le sert.

» … L’Époque donnant dix journaux complets pour le prix de la Presse toute seule, il faudrait à cette dernière une singulière infatuation d’elle-même pour s’imaginer que l’on ne trouvera pas autant d’empressement qu’elle dans le public, quand on lui offrira dix fois plus de matière pour le même argent… »

La riposte ne se fit pas attendre. Dès le lendemain M. de Girardin, criblant à jour les calculs de M. Bohain, renversait tout cet échafaudage de chiffres si habilement construit, et montrait comme perspective aux grands personnages qui patronaient une pareille œuvre… le banc de la police correctionnelle.

Entre autres vérités à l’adresse de son adversaire, M. de Girardin rappelait en quels termes M. Granier de Cassagnac parlait, six mois auparavant, dans le Globe, du nouveau format adopté par la Presse.

« Les gens, disait le futur champion du plus gigantesque de tous les journaux, les gens qui ont eu l’idée lumineuse d’exagérer le format des journaux de telle sorte qu’un journal ne fût plus qu’un livre déployé, c’est-à-dire un livre incommode, ne se sont jamais demandé sans doute à quoi cette pauvre innovation pouvait être bonne. Nous nous le sommes demandé, nous, et nous sommes arrivé, après un examen approfondi, à répondre qu’elle ne peut être bonne qu’à faire de mauvais journaux… Ce n’est pas pour leurs abonnés, c’est pour eux-mêmes que les spéculateurs du journalisme adoptent le grand format : car, sil ne s’agissait que de donner plus de matière aux abonnés, il suffirait de supprimer les annonces, qui envahissent la quatrième page. Mais il s’agit bien de l’intérêt réel des abonnés, vraiment ! il s’agit de faire une affaire…… Il faut bien se rendre compte de ce que c’est qu’un journal. Ce n’est pas le gouvernement, ce n’est pas la littérature, ce n’est