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premier jour, domine, absorbe la Presse ; dès le premier jour il est sur la brèche, seul, tenant tête au vieux journalisme soulevé en masse contre les innovateurs, appelant en quelque sorte les coups : Me, me, adsum qui feci !

Cependant les fondateurs de la presse à bon marché étaient dans le vrai. Au bout de trois mois la Presse avait déjà plus de 10 000 abonnés ; elle en comptait bientôt 20 000, et des 1838 ses annonces étaient affermées 150 000 fr. Le Siècle, journal d’opposition, qui s’adressait peut-être à des intelligences moins élevées, mais à des instincts plus vivaces, servi aussi par la mort de Carrel, qui déchaîna tant de passions contre la Presse, avait un succès plus grand encore ; il atteignait, après quelques années, le chiffre fabuleux de 38 000 abonnés.

D’ailleurs, il faut bien le reconnaître, en attaquant si violemment la réduction du prix de l’abonnement, l’ancienne presse n’obéissait à rien moins qu’à une conviction ; dans l’avénement de la presse à bon marché elle ne voyait qu’une chose, une concurrence redoutable qui menacait sa prospérité, son existence même. Nier les conséquences de cette révolution, c’eût été nier le mouvement ; aussi, bon gré mal gré, ses plus obstinés détracteurs ont-ils été entraînés dans la voie nouvelle. Un seul journal, nous l’avons dit, les Débats, put rester au prix de 80 fr. sans compromettre son influence ni sa prospérité.

Quelques chiffres suffiront, d’ailleurs, à prouver quelle a été l’influence de l’abaissement du prix d’abonnement sur le mouvement de la presse.

Les feuilles timbrées à Paris pour le service des journaux n’étaient en 1828 qu’au nombre de 28 000 000