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Ce flot qui débordait sur le domaine littéraire ne pouvait manquer de faire pousser les hauts cris à ceux qui en avaient la paisible possession. Écoutons M. de Girardin :

« Les grands hommes de la littérature parisienne, qui, tous coalisés, auraient grand’peine à suffire à l’entretien d’une presse, s’attaquent de toutes les forces de leur esprit aux journaux à bon marché, aux journaux utiles, aux publications pittoresques, aux livres débités à la feuille. Leurs attaques contiennent peu de bonnes raisons et beaucoup de personnalités : c’est le dernier argument d’une littérature étiolée et qui sent qu’elle est frappée de mort par la littérature populaire qui se fait jour. »

» Ceci, pour le plus grand nombre des lecteurs de cet article, peu au courant de la vie privée du journalisme, demande des explications que voici :

« La presse périodique et quotidienne et le commerce de la librairie se recrutent à Paris parmi un grand nombre de jeunes gens, victimes de l’éducation universitaire, lesquels, au sortir des bancs, n’ayant vu s’ouvrir devant eux aucune carrière lucrative, se font, en désespoir d’eux-mêmes et par nécessité de vivre, une sorte de pain quotidien de leur propre fiel, et une escopette de leur plume, jusqu’à ce qu’elle leur ait conquis quelque renom ou puissance littéraire qui leur donne dans la littérature marchande une valeur commerciale.

» D’ordinaire ils débutent par s’exercer comme rédacteurs dans quelque petit journal de théâtre tiré à cent épreuves, mais dont la spéculation financière est fondée sur la rançon qu’il tire sans pitié de quelque acteur ou actrice qui paient pour qu’il ne soit pas dit d’eux dans le feuilleton du lendemain qu’ils sont gauches, laids ou détestables.

» Ces journaux procèdent d’ordinaire par coups d’épingles, bigarrures, bordées, butin, pointes, coups de patte ; ce qui voudrait dire par épigrammes, si dans