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Carrel mort, l’œuvre fut continuée, avec des chances inégales, par MM. Thomas, Trélat, Bastide, Armand Marrast et Duclerc. Le National était le journal de l’opinion républicaine, la pierre d’attente de la future révolution. Toutefois la république n’étant encore pour les masses qu’un pressentiment lointain, ce journal n’avait qu’une clientèle assez restreinte. On le lisait par une certaine curiosité d’esprit qui veut connaître ce que lui réservent les éventualités même les moins probables de l’avenir. C’était la satire prophétique, plus que la philosophie du parti républicain. Il se tenait d’ailleurs dans des limites assez indécises entre l’acceptation du gouvernement monarchique et la profession de foi de la république.

Dans les dernières années du gouvernement de juillet un autre journal avait pris dans l’opinion une place étroite, mais plus accentuée, en face du National : c’était la Réforme, inspirée par Ledru-Rollin et trois ou quatre députés, et rédigée par Flocon. Ce journal représentait la gauche extrême, la révolution démocratique ; il voulait refaire, dans des circonstances toutes différentes, la première république. Et même pour remuer plus profondément le peuple et recruter tous les hommes d’action à la journée de la république, il touchait quelquefois à ce qu’on nomma le socialisme, laissant entrevoir dans la révolution politique une révolution du prolétariat, du travail et de la propriété. C’était un contre-sens, ou, si l’on veut, un contre-temps.

En 1848, les Spartiates de la Réforme, comme les Athéniens du National, quittèrent leurs modestes bureaux pour les palais du gouvernement, et leurs journaux, abandonnés à des mains subalternes, lut-