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Le dernier né, mais non le moins vigoureux pourtant des journaux de la restauration, fut le National. En 1828 une nouvelle législation, si long-temps réclamée, était venue ouvrir de plus larges issues à la publicité. Deux jeunes gens du midi, dont le talent s’était révélé par des publications historiques d’une grande importance et toutes imprégnées d’une sève révolutionnaire, pleine, riche, excitante, MM. Thiers et Mignet, qui s’étaient déjà fait dans le pâle Constitutionnel un renom littéraire et politique, essayèrent les premiers de dissiper les préjugés qui pesaient sur notre grande révolution ; ils commencèrent la réaction historique avec timidité, mais pourtant sans faiblesse, et lui donnèrent pour organe le National, qui fut fondé vers la fin de 1829, avec l’appui d’une société de capitalistes, composée en grande partie des principaux libraires-éditeurs, sous la gérance de l’excellent M. Paulin. Ils y réclamèrent la vérité du gouvernement représentatif ; la royauté fut placée par M. Thiers hors du gouvernement par un axiome qui obtint alors un grand succès : Le roi règne et ne gouverne pas.

Derrière les flamberges brillantes de MM. Thiers et Mignet, un ardent patriote cachait avec modestie le glaive de son style ; c’était Carrel, jeune officier, qui avait quitté l’épée pour la plume, arme plus terrible, et qui devait un jour dans sa main porter de si rudes atteintes au pouvoir. Quand, après 1830, ses deux collaborateurs désertèrent le journalisme et se casèrent dans le nouvel établissement, Carrel resta seul sur la brèche. On sait avec quelle énergie, avec quelle vigueur, il continua à réclamer la sincérité d’une représentation populaire, quelle importance il donna au National pendant les cinq ans qu’il le rédigea.