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grande réputation d’esprit et de malice au Nain jaune, et rendaient notre part de rédaction aussi légère que facile. »

Mais revenons au Constitutionnel. On l’a persifflé à outrance, on a beaucoup ri de ses horizons politiques, de ses serpents de mer et autres canards ; on ne saurait pourtant méconnaître les services qu’il a rendus à la cause libérale. Il remuait dans le cœur des masses plutôt des mouvements vulgaires que des idées élevées ; mais c’était un journal irritant par excellence ; c’était le journal du murmure public, n’articulant aucune opposition précise, mais recueillant, colorant et grossissant tout ce qui pouvait, dans la satire de la cour, dans les excès des exaltés, dans les prétentions du clergé, dans les ridicules de l’ancien régime, désaffectionner le peuple des Bourbons ; et l’incliner au bonapartisme ou à l’orléanisme.

La révolution de juillet, à laquelle il avait tant contribué, porta le Constitutionnel à l’apogée de la fortune ; il comptait jusqu’à 23 000 abonnés à 80 fr. Mais ce fut comme un dernier éclair. Parvenu au but, il s’endormit imprudemment dans son triomphe, et bientôt, abandonné par cette ingrate bourgeoisie qu’il avait conduite à la victoire, criblé à jour par les traits acérés des petits journaux, il vit décroître rapidement son influence et sa fortune. L’avénement de la nouvelle presse à 40 fr. lui donna le dernier coup ; il était descendu à 3 000 abonnés quand le docteur Véron, le père aux écus, comme il s’est appelé lui-même, l’homme le plus heureux de France et de Navarre, entreprit sa guérison. Les Débats venaient d’achever la publication des Mystères de Pa-