Page:Hatin - Histoire du journal en France.djvu/154

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de Provence, il avait consacré ses loisirs au journalisme ; mais ce n’était pour lui qu’un délassement futile, et pas du tout l’objet d’une étude sérieuse. Ce futur monarque constitutionnel, dit M. Édouard Fournier dans un article sur les Rois et princes journalistes, que nous avons déjà cité, n’était alors épris que de choses légères, il n’avait de passion que pour les à-propos mis en vers, il n’avait de rêves que pour les poésies d’almanach. Il éparpillait au vent de toutes les petites publicités ses petites rimes et ses petits articles. Nous le savons positivement par l’abbé Soulavie, mais mieux encore par les Souvenirs d’un sexagénaire, de l’académicien Arnault, qui fut longtemps secrétaire de son cabinet. La chose la plus curieuse que nous ayons apprise par cette dernière révélation quelque peu indiscrète, c’est que le canard, le vrai canard renforcé, tel qu’on n’ose plus le faire, le canard-vampire, le canard-monstre-marin, est une invention du royal mystificateur. Depuis, il n’a rien inventé que la Charte, mais, cette fois, avec brevet et garantie du gouvernement.

« De tout temps, écrit Arnault, ce prince rechercha les succès littéraires, faisant de l’esprit sous l’anonyme dans les journaux, comme on en fait au bal sous le masque. Il glissait de temps à autre, soit dans la Gazette de France, soit dans le Journal de Paris, de petits articles, de petites lettres, dans lesquels il attaquait à la sourdine tel homme qui ne s’y attendait guère, sauf à se venger en prince de l’impudent qui l’attaquait comme auteur.

» Il aimait beaucoup à s’amuser de la crédulité parisienne. La description de cet animal fantastique qu’on disait, en 1784, avoir été trouvé dans le Chili, est de son invention ; c’est un fait de son génie que l’article où l’on proposait d’ouvrir une sou-