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tre, avait pour secrétaire général M. de Saint-Albin, bien connu, dans la révolution, pour ses relations avec Danton. Il se joignit aux fondateurs de l’Indépendant, et, au lieu de demander des abonnements au ministre, il obtint de lui la permission d’imprimer tous les faits qui, dans la correspondance ministérielle, lui sembleraient de nature à intéresser le public. Dans le moment où les ennemis de l’étranger cherchaient un point de ralliement, et où la France entière avait un si vif désir, un si grand besoin d’être tenue au courant des affaires, ce journal répondit à un vœu général. Il ne demandait pas des lecteurs d’élite, mais il s’adressait à des sympathies froissées, il relevait le parti vaincu ; il appelait à lui les intelligences les plus vulgaires, pourvu qu’en elles vibrât le sentiment de l’orgueil national ; enfin il représentait toutes les idées et toutes les passions de la révolution ; il ralliait au drapeau tricolore toutes les répugnances qui dataient de 89 et de 93, tous les mécontentements qui dataient de l’empire, auquel il se rattachait par Étienne, l’un de ses directeurs politiques, et par Bérenger, cette idole de la presse libérale.

Le Constitutionnel avait encore assis son influence sur un autre terrain. On se rappelle cette lutte célèbre des classiques et des romantiques. Le Constitutionnel fut le champion le plus véhément de la littérature classique. C’est de ses bureaux que partit la fameuse requête au roi contre les romantiques ; requête à laquelle Louis XVIII fit cette sage réponse : « Messieurs, quand il s’agit de théâtre, je n’ai, comme tout le monde, que ma place au parterre. »

Ce prince prenait d’ailleurs un vif intérêt à ces querelles littéraires. On connaît son goût pour les lettres ; plus d’une fois, alors qu’il n’était encore que comte